Cette année, j’ai renoué avec l’un de mes premiers amours : la réflexion philosophique, autour d’un thème pointu : le talon aiguille !

Piquée de curiosité

Lorsque je pense à mes premiers émois philosophiques, je pense certes à Merleau-Ponty, Heidegger et Fink, mais aussi à Camille. En tout bien tout honneur, évidemment ! Camille n’a pas toujours été Camille. Je l’ai d’abord appelée « Madame », puis lui ai donné du « Camille, vous », et enfin du « Camille, tu », lorsque l’amitié s’est définitivement installée.

Camille était MA prof de philo. La première. Celle grâce à qui j’ai adoré cette matière. Celle grâce à qui j’ai obtenu une si bonne moyenne au baccalauréat, en 2009, avec un 20/20 en philosophie (coefficient 7 pour les littéraires).

Depuis la terminale, je suis restée en contact avec Camille. Cependant, en 2024, lorsqu’elle m’a proposé de participer aux Rencontres de Sophie dans le cadre de l’Abécédaire, je suis tombée des nues… avant d’y remonter aussitôt !

De plus, en 2025, le thème des Rencontres était des plus alléchants : « Féminin/Masculin ? ». Je lui suggérai d’abord, un peu scolairement, le sujet « monde », car je croyais pouvoir y réexploiter quelques manières poétiques d’aborder la philosophie, en opposant deux « mondes », féminin et masculin, comme on opposerait la lune et le soleil, deux amants épris et désolés de leur impossible union…

Camille me tira de ma rêverie justement trop extra-terrestre : « Oh non, il faudrait un sujet plus original et décalé. Toi qui es si coquette, pourquoi ne pas aller sur ce terrain… Pole dance… Talon aiguille ? ».
Piquée d’un vif intérêt, je choisis aussitôt ce sujet pointu !

Piquante, mais délicate féminité

Ma réflexion s’engage. D’emblée, je me dis que je veux mener mes auditeurs à un dépassement de la simple opposition entre le féminin fragile et le masculin viril. Je pars bien sûr de ma propre expérience. « J’ai commencé à porter des talons parce que je me trouvais trop petite. Et c’est souvent, je pense, l’une des premières raisons qui poussent les femmes à se hisser ainsi au-dessus de leur hauteur naturelle… ».

Plusieurs heures durant, je fouille les articles en ligne, mes ouvrages fétiches. Je prends des notes, écoute la résonnance de chaque mot, cherche son étymologie. Puis, je me lance. J’écris en décortiquant le sens de mes propos, en ajoutant d’amusantes correspondances, et (beaucoup) d’effets sonores : allitérations, rimes, jeux sur des mots qui se ressemblent et que j’assemble…

Je propose ensuite un cheminement. Je commence par la femme fatale et émasculatrice, à la sexualité débordante, puis migre vers la femme-proie, menacée par le prédateur sur ses talons. Je termine enfin par la proposition d’une femme à l’écoute de sa volonté, en pleine possession de sa féminité. Cette dernière ne marche plus, mais défile.

L’heure du défilé

Dimanche 16 mars 2025, sur l’horloge, les aiguilles se sont placées selon le fatidique alignement : 16h30. C’est le moment de lever les yeux vers le public de l’amphi 150, à l’ENSA Nantes. Quelle foule ! Je ne me souviens pas avoir vu entrer autant de monde. Je suis prise de vertige et sens mes chevilles trembler dans mes talons aiguilles ! Heureusement que je suis assise !

Je traîne péniblement mes premiers mots depuis le fond de ma gorge. Le défilé commence bien ! Je me donne un petit coup de talon au cerveau, et reprends mes esprits. Je pense à mes proches et aux personnes si estimables à mes yeux dans l’assistance (dont Camille, bien sûr, mais encore mon professeur de lettres et de latin, en hypokhâgne et khâgne). Je veux les rendre fiers, et si possible ravir leurs oreilles. Mes paroles s’enchaînent telle une mélodie, dont les notes défilent devant mes yeux.

Mon discours achevé, mon défilé se termine. Les applaudissements emplissent mon cœur de joie. Les compliments complètent mon émoi. Je croise le regard de Camille. Sa fierté me pique de bonheur.

Je me lève, les jambes encore fébriles. D’un pas digne (et soulagé !), je remonte les escaliers, faisant ainsi claquer mes beaux talons dorés. J’assume d’être un concept, mes fines aiguilles aux pieds.

Vidéo de la conférence à venir…

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